Délaissé par les constructeurs, misant tout sur l'autofocus et craignant sans doute qu'un tel dispositif ne mette en relief les erreurs de ce dernier, le stigmomètre équipait quasiment tous les reflex argentiques et procurait une aide appréciable au focus manuel. Décus souvent par les zooms modernes, au piqué violent, aux bokeh difficiles, beaucoup de photographes reviennent à leurs anciennes amours et montent de vieilles optiques manuelles sur leur APN dernier cri. Il s'intéressent donc à nouveau à ce dispositif qu'on trouve ici ou là sur des verres de visée en kit pour remplacer le dépoli d'origine.
Inventé par Dodin en 1943, le stigmomètre est ce dispositif qui offrait un cercle coupé en deux au milieu de la visée. Il est souvent, comme sur la photo ci dessous entouré d'une couronne de micro-prismes pour aider au focus sur les surfaces ne comportant pas de verticales. Il peut se présenter avec une ligne horizontale, comme sur notre photo, ou à 45°. Plus rarement deux lignes croisées.

Quand la ligne de séparation des prismes est horizontale, comme ici, les verticales du sujet sont décalées dans les deux demi cercles en l'absence de point, dans un sens si le point est trop devant, dans l'autre s'il est trop derrière et parfaitement alignées quand le point est parfait.
Il suffit donc, pour faire le point d'aligner une ligne verticale, située sur son plan de netteté désiré, avec la bague de mise au point de son objectif. Le sens du décalage indique le sens de la correction à effectuer.
Le réglage est très facile (si on trouve une ligne nette) et aussi précis que le live viewX10 de nos Olympus.
Moins évident s'il n'y a pas de droite visible dans son sujet.
La couronne de microprismes qui l'entoure souvent éclate les points à fort contraste en, l'absence de point. Une sorte d'amplificateur de flou...
Dans les deux cas, ces dispositifs ne marchent bien qu'avec des optiques lumineuses, diaf ouvert à fond. Plus le diaf est fermé plus l'angle qui permet de voir les deux demi-cercle est étroit. en dessous de F:5.6 /F:8, le dispositif devient inopérant. les deux demi cercles sont noirs. Avec de vieilles optiques manuelles, on fera donc le point à PO, puis on fermera son diaf manuellement pour prendre son cliché, ce que faisaient automatiquement les appareils reflex argentiques.
Comment ça marche ?
![]() | Ce sont deux prismes d'angle opposés moulés en forme de cercle au centre du dépoli. Leur point d'intersection ( indiqué par le trait) est aligné sur le plan du dépoli. Ce dispositif, une fois le moule fabriqué, ne coute donc rien à produire. Mais, moulé dans du plastique,faisant partie du dépoli, il doit être d'une extrême précision. Un dépoli est très fragile, électrostatique, horriblement sensible donc aux poussières et rayures. Nous verrons dans un autre article comment changer votre verre de visée pour profiter à nouveau de cette aide au focus manuel. |
Les prismes dévient les rayons lumineux provenant des bords opposés de l'optique suivant ce schéma:
![]() | En l'absence de point correct, l'œil voit deux lignes décalées par les prismes. L'angle de sortie des rayons est suffisant pour que ces deux cônes soient visibles si l'oeil est situé au centre. |
Si le focus est parfait:
![]() | L'oeil verra toujours les deux cônes d'un même point, mais les verticales seront alignées. |
Mais que deviennent les rayons centraux issus de l'optique, ce qui arrive quand on ferme le diaphragme, par exemple ?
![]() | Ils sont déviés par les angles opposés des prismes, l'un dans un sens, l'autre dans l'autre. Il arrive un point où les cônes de sortie ne se recoupent plus. Si l'œil est bien centré, il ne verra plus que deux demi cercles noirs au milieu de la visée. si l'on décale l'oeil d'un coté ou de l'autre, on tombera enfin dans la zone d'un des prismes et on verra sa demi image. Mais il sera impossible de voir les deux en même temps: le stigmomètre est devenu inutilisable. Dans la pratique les cônes se superposent jusqu'à 5.6, sont à la limite à 8 et il n'y a plus aucune coïncidence (vision des deux demi cercles en même temps) en dessous. |
On aura compris, en voyant ces schémas que l'efficacité de ce dispositif dépend de l'angle des prismes. Plus leur pente est importante, plus il y a un "écartement" des verticales pour un même point, donc une grande précision du focus. Mais on diminue alors la tolérance aux diaphragmes fermés. Il y a donc un compromis précision/faculté de travailler avec des optiques peu lumineuses qui dépend du choix du constructeur du dépoli.
On en profitera pour juger du sérieux de certains fabricants offrant des "traitements" de vos verres de visée, hors de prix, permettant soi disant de travailler à diaf plus fermé. Le seul moyen de parvenir à cela étant de diminuer l'indice de réfraction (ce qui est possible avec des vernis), ce qui implique une diminution de la déviation, donc de la précision du point. Le résultat sera le même (optiquement moins bon, les vernis, bof...) que celui obtenu par un prisme aux angles plus faibles.
Rendons hommage au génie de monsieur Dodin, pour avoir imaginé un dispositif aussi ingénieux, simple, ne nécessitant aucun réglage et dont les fabricants nous privent aujourd'hui.